Qui n'a jamais rêvé d'être quelqu'un d'autre ?
2021
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Le fantasme de disparaître serait très fréquent, le passage à l’acte s’expliquerait selon certains psychanalystes par la chute de l’idéal du moi, d’autres pensent que ce serait lié à la difficulté à établir la bonne distance avec les autres. Par ailleurs, la loi est formelle : tout majeur est libre d’aller et venir à sa guise, et, s’il le souhaite, de rompre radicalement avec ses proches. On l’appelle le droit à l’oubli. L’oubli est donc un droit, de disparaître aussi.
Chaque année, en France, des milliers de personnes disparaissent volontairement pour renaître sous une autre identité. Au Japon, ce phénomène massif concerne jusqu’a cent mille personnes par an. On les appelle les évaporés. Des entreprises se sont même développées pour organiser, en toute conscience, cette escapade très souvent nocturne qui porte le nom de Yonige.
How to Disappear Completely and Never Be Found, son versant américain, fait référence au titre d’un guide écrit par Doug Richmond, en1985, qui recelle de nombreux conseils pour planifier sa propre disparition.
On dit des anciens disparus qu’un jour ils ont éprouvé le besoin irrépressible de partir, un acte ni réfléchi ni prémédité, qu’ils agissent sous le coup de la pulsion, qui annihile la réflexion. Soudain, ils ne vivent plus que dans l’instant présent, ce qui rend le passage à l’acte possible. Ils n’ont alors que cette solution : s’échapper.
Il y a quelques années, ma tante alors âgée de 82 ans, disparaissait dans la forêt de Brocéliande dans des circonstances étranges, devenant ainsi l’échappée des Papillons d’Or. En quelques heures, une battue générale prenait l’allure d’un épopée fantasmagorique, aux limites de la réalité. D’un élan commun, nous marchions vers l’inconnu sans savoir quelle direction privilégiée. Nous la recherchions activement. Quelques semaines plus tôt, alors que je lui rendais visite, elle s’inquiétait de savoir où était son mari, décédé une dizaine d’années plus tôt. Ses petits-enfants me racontèrent par ailleurs l’avoir surprise, quelques mois auparavant, auteure d’un banquet dédié à ses funérailles. En pleine nuit, elle attendait trente cinq convives. Elle avait définitivement basculé dans un autre monde dans lequel ses rêves avaient pris le dessus. Je l’imaginais seule, en voyage dans des contrées imaginaires, dont, nous, simples vivants, étions devenus des étrangers … Son voyage me semblait relever du fabuleux.
Cette série est une tentative d’exploration de ce phénomène à l'état de fantasme, une invitation à la dérive vers sa propre renaissance.